Cancer pagurus

Cancer pagurus

Crabe dormeur, Dormeur, Poupard, Poupart, Tourteau, Crabe-de-lune, Poing-clos, Clos-poing, Ouvet

Royaume
Phylum
Classe
Commande
Famille
Genre
ESPÈCES
Cancer pagurus
Longueur
6-25
2.4-9.8
cminch
cm inch 

Le crabe dormeur ou dormeur ou poupard, poupart, plus connu des gastronomes sous le nom de tourteau, et parfois aussi appelé crabe-de-lune ou poing-clos ou clos-poing, ou encore ouvet, a pour nom scientifique Cancer pagurus. Attention, « crabe dormeur » s'utilise aussi pour le Dromia personata.

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Ce gros crabe de forme elliptique est un crustacé décapode, brachyoure, appartenant à la famille des Cancéridés, trouvé sur le plateau continental européen, et peut vivre jusqu'à une vingtaine d'années (voire plus ?), atteignant alors une trentaine de cm.Son surnom de dormeur viendrait du fait que, quand on le retourne ou qu'on le sort de son habitat assez longtemps, il prend une attitude typique, repliant ses pattes et ses pinces sur le dessous de sa carapace, ne bougeant plus, comme s'il dormait. Pour respirer, il absorbe l’oxygène dissous dans l’eau grâce à des branchies situées à l’intérieur de la carapace. Ce nom peut aussi venir du fait que le jour, il se tient généralement immobile. Au contraire, la nuit, il est très actif ; les femelles font des migrations pouvant dépasser 200 km.L'espèce a localement beaucoup régressé. Elle n'est pas considérée comme en danger, mais nécessite, comme beaucoup d'autres crustacés en forte régression près des côtes (homard, langouste, araignée), une exploitation raisonnée.

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Apparence

Il peut être confondu avec Cancer bellianus, tourteau vivant plus en profondeur et avec d'autres espèces du genre Cancer trouvées ailleurs (Cancer magister ou dormeur du Pacifique), plus petit et plus sombre). On le différentie des autres crabes par :

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  • un feston dentelé bordant la carapace d'une dizaine de petits lobes de part et d'autre des yeux, les lobes sont plus ou moins aigus ou arrondis selon l'âge et les individus,
  • des pinces très robustes, des péréiopodes duveteux,
  • l'extrémité des pinces,
  • les pointes de dactyles (pattes) colorés en noir mat,
  • les yeux sont souvent verts d'eau.

Le tourteau est de couleur brun-chamois avec nuances orangées. Sa couleur et sa forme lui confèrent une certaine capacité à se fondre dans un environnement rocheux, capacité proche du mimétisme ; il peut se confondre avec les galets ovales, et la carapace des individus plus âgés est souvent garnie d'organismes marins fixés (balane, tubes calcaires d'annélides polychètes) qui accentuent ce phénomène. De petits hydraires se fixent aussi parfois sous la tête des tourteaux, profitant sans doute des restes de son alimentation mis en suspension dans l'eau. Comme chez la plupart des espèces, la face ventrale (dessous de la carapace et des pinces) est plus claire (beige tirant vers le jaune ou blanc).La couleur de la carapace varie selon l'âge (premier stade, immatures, adultes, avec des nuances possibles selon les individus et la proximité temporelle d'une mue). En particulier, certains jeunes tourteaux sont parfois très clairs (dépigmentation pathologique ? ou absence naturelle de pigments ?) sans qu'il s'agisse d'albinisme, car les yeux sont normalement pigmentés.

Les jeunes adultes mesurent de 15 à 20 cm, mais des individus plus âgés, de plus en plus rares en raison d'une pêche ancienne et régulière de l'espèce, peuvent atteindre 30 cm.

  • Les femelles, dont la taille peut atteindre 20 cm, atteignent la maturité aux environs de 17 cm. Leur abdomen est plus large. Ses somites sont garnis (sauf le 1er et 6e) d'une paire de pléopodes, appendices où se fixeront les œufs.
  • Les mâles, plus petits, n'atteignent que 15 cm environ. Leur céphalothorax est beaucoup plus plat que celui des femelles. L'abdomen est plus étroit et possède sur les deux premiers somites des appendices qui sont des organes copulateurs.

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Distribution

Géographie

On le trouvait presque partout sur la façade atlantique de l'Europe, de la Norvège au sud-Maroc (voire plus au sud), et jusqu'en Mer Égée (Grèce) en Méditerranée.Il est surtout abondant sur le littoral Nord Ouest de l'Europe et tout autour du Royaume-Uni.

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Relativement ubiquiste, cette espèce occupe une large niche écologique.Elle était ou est encore localement trouvée par les pêcheurs à pied sur l'estran à marée basse, où ce crabe se cache alors sous les rochers ou dans leurs anfractuosités (de jeunes individus en général).Il vit aussi plus loin des côtes sur des fonds rocheux, sableux ou sablo-vaseux, jusqu'à 200 m de profondeur, dans toutes les eaux marines fraiches bordant l'Europe, jusqu’à l’Afrique de l'Ouest. Il est présent, mais très rare en Méditerranée. En Bretagne sud, on le pêchait déjà à 200 m dans les années 1980.

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Habitudes et mode de vie

Bien que cette espèce soit commune dans toute l'Europe, sa biologie est encore pour partie mal connue.

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Les données fournies par les crabes débarqués se limitent aux individus de taille commerciale (8 cm en France dans les années 1980) et ne sont précises que dans le cas de pêche localisée au casier. Des élevages expérimentaux de larves et juvéniles ont permis d'étudier leur croissance, et à partir de 50 mm, de jeunes crabes peuvent être marqués et suivis par des techniques de capture-recapture. Des expériences de marquage/captures-recapture ont été faites avec plusieurs milliers d'individus en Bretagne-sud et en Manche dès les années 1980. Les taux de recapture étaient de moins de 10 %. Ces études permettent de mesurer la croissance des jeunes, mâles et femelles. On a ainsi montré que ce crabe ne grandit pas nécessairement à chaque mue, et que la relation taille-poids diffère pour le mâle et la femelle, avec des différences observées selon les zones géographiques étudiées.Elles montrent aussi que les femelles sont assez mobile, les mâles étant, dans les zones étudiées, plus sédentaires. La cartographie des points de capture-recapture ne laisse pas apparaitre des directions privilégiées de migration saisonnières ou annuelles comme c'est le cas avec les langoustes ou d'autres espèces.Remarque : en milieu confiné (d'élevage en laboratoire ou in situ), le cannibalisme est fréquent au moment de la mue.

En 1914, on s'intéresse déjà aux migrations des crabes. De nombreux indices laissaient penser que, comme d'autres espèces de grands crustacés, les dormeurs pouvaient effectuer d'importantes migrations (dépassant 260 km pour de femelles observées en Atlantique nord). Le premier de ces indices était que les dormeurs les plus gros sont toujours trouvés au large, et que ceux qui sont pêchés près du trait de côte sont plus petits. Il semblait donc que les individus migraient au fur et à mesure de leur vie vers le large et les zones plus profondes. Les études ont montré que, dans la plupart des cas, la migration se fait effectivement dans des directions privilégiées (à partir des points de lâcher) Edwards (1965, 1967, voir bibliographie en bas de page), Hallback en Suède (1969), Benett & Brown dans le Channel (de 1968 à 1976),. Il existe cependant des exceptions (a priori dans des zones de golfes à faible courant et courants giratoires). Ailleurs, les déplacements se font nettement dans le sens opposé à la dérive résiduelle des courants marins. Une explication plausible étant que la femelle doit « compenser, en l'anticipant, la dérive que subissent les larves au cours de leur vie pélagique ».

Ces migrations, ainsi qu'une bonne dispersion des larves probablement, jouent indirectement un rôle important pour le brassage génétique et la large répartition biogéographique de l'espèce. Le brassage génétique se fait même si bien qu'en mer Baltique on a trouvé une très forte homogénéité de l'espèce, dans la zone Kattegat-Skagerrak en Baltique, pour les marqueurs microsatellites utilisés.

Des premières expériences de marquage de l'exosquelette ou de pinces (claw-tag) de crabes vivants et ensuite relâchés ont été faites il y a plus d'un siècle, dans les eaux écossaises avant 1900, puis à l'Est de l'Angleterre par Meek (1914), Tosk (1906), Donnison (1912). D'autres expériences de suivi ont été réalisées à la fin des années 1930 et des années 1950 par Williamson (1940) et Mistakidis (1960). Chaque marque était perdue avec la mue, et les données restaient donc très partielles. On a pu mieux suivre les déplacements pluriannuels grâce à de nouvelles techniques de marquage : « toggle-tag » et « suture-tag » qui ne sont pas perdues par le crabe lors des mues.En Bretagne sud, on a constaté que, comme ailleurs, les femelles sont beaucoup plus nombreuses à être capturées par les pêcheurs que les mâles ; probablement parce qu'elles se déplacent et s'exposent beaucoup plus : 39 % des dormeurs recapturés s'étaient déplacés à plus de 5 milles, parmi ce lot, 91 % étaient des femelles. 87 % des mâles recapturés avaient effectué moins de 5 milles (soit 43 % de la population recapturée sur le site de marquage).

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Mode de vie

Régime et nutrition

Contrairement à ce que pourraient laisser penser ses imposantes pinces, ce crabe n'est pas un grand prédateur des fonds marins du plateau continental.Sa larve se nourrit de plancton en suspension ou de matières organiques en décomposition filtrées dans l'eau. Le tourteau dormeur adulte est surtout détritivore, et plus précisément nécrophage. Ce petit charognard marin joue de ce point de vue un rôle important dans les écosystèmes qu'il fréquente, en éliminant les cadavres et les restes de proies qu'il déchiquète grâce à ses pinces puissantes. Il est d'ailleurs souvent appâté dans les casiers au moyen de cadavres de poissons.En complément, il capture aussi des proies fixées ou peu capables de fuite, appartenant à des espèces variées (crustacés et invertébrés / mollusques, dont vers marins sédentaires et gastéropodes).

Régime Charognard

Habitudes d’accouplement

Elle a commencé à être étudiée il y a plus d'un siècle à l'Est de la Grande- Bretagne (Écosse, Northumberland) par Williamson (1904), Pearson (1908), L. Ebour (1927-1928), et plus tard par Edwards et Meaney (1968) dans les eaux du Norfolk du Yorkhshire et du sud-Irlande.

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Le tourteau est une espèce gonochorique, c'est-à-dire à reproduction sexuelle obligatoire. Les glandes génitales mâle et femelles sont abritées dans le céphalothorax à la surface de l'hépatopancréas. Les femelles semblent adultes quand leur carapace atteint 73 mm. Les dates de fécondation et fécondité varient selon la température et le milieu. En Bretagne sud, un début de développement ovarien apparait en juillet. Il se poursuit jusqu'en mars de l'année suivante où, de mars à juin, la femelle est sexuellement non active. Le mâle semble sexuellement mature plus tôt, dès 65 mm.

  • Accouplement : la femelle ovigène ne se nourrit pas. Le mâle, attiré par une femelle mature et prête à muer, se tient sur elle, jusqu'à ce qu'elle mue. Après la mue, elle devient réceptive. C'est alors que la copulation se produit, souvent de nuit et pouvant durer plusieurs heures.
  • Le sperme est stocké par la femelle dans une spermathèque où il est conservé vivant plusieurs mois, alors que des bouchons spermatiques apparaissent sur les orifices génitaux de la femelle (sous la languette abdominale). Elle n'est donc plus fécondable avant la mue qui suivra la ponte qui ne se produira que plusieurs mois après, jusqu'à un an plus tard ; ceci explique que les jeunes femelles semblent pouvoir être fécondées avant leur maturité ovarienne. En captivité, plusieurs pontes successives ont été observées après une seule fécondation, mais l'auteur ne précisait pas si les œufs étaient fertilisés.

Williamson (1940) a supposé que le sperme contenu dans la spermathèque pouvait inhiber le déclenchement de la et donc la croissance de femelles. On a longtemps pensé que les bouchons empêchaient la fécondation par plusieurs mâles, mais des études génétiques de larves, montrent qu'au moins parfois, plusieurs mâles ont pu féconder une même femelle. Il pourrait aussi s'agir du sperme ancien d'un cycle de reproduction antérieur, conservé encore vivant dans la spermathèque, qui se serait mélangé avec celui du dernier mâle.

  • Le frai (la ponte) survient en hiver, de novembre à février-mars en Bretagne-Sud. À l'émission des œufs (collants), la femelle les récupère en les fixant sur les soies qui garnissent les pléopodes de ses pattes natatoires.
  • La femelle est ensuite dite « ovigères » (qui signifie « porteuse d'œuf ») ou « grainée ». À ce stade, elle ne se nourrit pas, et se cache probablement soigneusement, car elle est rarement pêchée ou observée. Elle porte jusqu'à 20 millions d'œufs fécondés. Le nombre d'œufs varie fortement selon l'âge et la taille de la femelle ; par exemple, en Bretagne sud, les femelles de 75 mm ne portaient que 257 000 œufs, alors qu'elles en portaient 433 000 à 85 mm, puis 683 000 œufs à 85 mm, puis en moyenne 1 046 000 à 105 mm. Plus tard, elles pourront produire plus de 2 millions d'œufs.
  • L'éclosion se produit au printemps, dès avril avec un maximum vers mai, et moindrement jusqu'en septembre-octobre en Bretagne-Sud. Cette période semble plus courte sur les côtes du Yorkshire et du sud-ouest de l'Irlande Edwards (1979) (mai à septembre),
  • Au stade suivant, les œufs ont éclos (« dégrainage ») et ces femelles qui portent encore quelques capsules vides collées sur les soies des pléopodes des pattes natatoires semblent alors s'activer pour se nourrir. C'est le moment où elles sont capturées en grand nombre.
  • Après la naissance, les larves sont planctoniques jusqu'au 30e jour. Ce sont d'abord des larves zoé typiques, puis des mégalopes à grands yeux. La très grande majorité des larves meurent à ce stade, mangées par un grand nombre de prédateurs.

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Population

Effectif de la population

Même si elle a localement pu régresser depuis plusieurs décennies de pêche artisanale puis industrielle ou semi-industrielle, l'espèce n'est pas considérée comme menacée pour le moment. Certains pêcheurs notent cependant que le produit de la pêche au large des côtes françaises, anglaises et irlandaises, est moins abondant que par le passé.

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Il est possible que cette espèce soit sensible et localement vulnérable à des perturbateurs endocriniens, et à certains polluants émis dans les ports ou apportés par les cours d'eau et estuaires. C'est une espèce lucifuge, qui pourrait donc être éventuellement repoussée par certains éclairages artificiels portuaires, source de pollution lumineuse, mais cette question n'a pas fait l'objet d'études particulières.

La pêche au chalut de fond est susceptible d'endommager les fonds et les écosystèmes sur de vastes espaces. En tant que charognard, il peut en profiter dans un premier temps, mais pourrait ensuite régresser avec la dégradation générale des réseaux trophiques.

Les individus affaiblis ou plus exposés peuvent être parasités, notamment par la sacculine (Sacculina triangularis), un petit crustacé cirripède.

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Références

1. Cancer pagurus article sur Wikipédia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Cancer_pagurus

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